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Ethique de l’IBK

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L’enseignement dispensé à l’IBK est assorti d’une véritable garantie de qualité tant de par l’ancienneté de l’Institut que par le degré élevé de professionnalisme de son équipe de formateurs. L’éthique de l’IBK se caractérise aussi par sa volonté absolue de transparence et de clarté, de respect profond de chacun c.-à-d. de soi et des autres, notamment par la confidentialité et par le souci d’aider chacun à bien se comprendre.

L’apprentissage est basé sur l’expérience et la pratique. Le nombre limité d’étudiants assure la qualité du suivi et permet d’éveiller ou de mettre en valeur les talents personnels et professionnels des étudiants. Les cours sont structurés de telle sorte que la créativité et l’unicité de chacun puissent s’exprimer.

Tout ceci se fait dans le respect des valeurs fondamentales et dans une éthique humaniste. Le code éthique de l’IBK en atteste. Il est demandé à tout étudiant venant suivre un cours de base à l’IBK de signer le code éthique.

Les praticiens formés à l’IBK, et se trouvant sur notre site, s’engagent à suivre une journée de supervision par an.

Pour aller plus loin dans la réflexion sur l’éthique du kinésiologue, vous pouvez trouver ci-dessous le texte de la présentation de Myriam van der Brempt lors du congrès des 25 ans de l’IBK – 10 et 11 septembre 2011.

Lors de votre premier cours de kinésiologie, il vous sera demandé de signer le code éthique de l’Institut que vous retrouvez ci-dessous :

En ma qualité d’étudiant en kinésiologie, de kinésiologue et/ou de futur instructeur, j’adopte une attitude professionnelle et éthique, sachant que le vrai professionnel ne l’est pas seulement sur son lieu de travail mais qu’il représente sa profession tant dans le monde professionnel que personnel.

Aussi je reconnais que :

  • l’objectif de la kinésiologie est de soutenir ou renforcer les mécanismes naturels d’auto-guérison du corps;
  • la responsabilité des choix avant, pendant et après une équilibration incombe à la personne avec qui je travaille;
  • le test musculaire est un instrument de biofeedback qui ne se substitue ni à la réflexion, ni aux sensations et qui ne remplace ni le choix, ni la prise de décision;
  • chacun de nous est la seule source valable d’autorité et que personne ne peut décider pour quelqu’un d’autre

et je m’engage à :

  • poursuivre ma propre formation, atteindre les degrés de compétence nécessaire et continuer mon évolution personnelle avant de pratiquer la profession de kinésiologue;
  • respecter mes limites et mes possibilités;
  • utiliser le « modèle éducatif » c’est-à-dire à soutenir et mettre en valeur ce qui est présent dans la personne et en conséquence, à ne pas me focaliser sur les difficultés mais sur le potentiel;
  • faciliter la participation consciente et le développement de la personne;
  • n’établir aucun diagnostic quel qu’il soit, à ne rien prescrire ni traiter, sauf si je possède des diplômes m’habilitant à le faire, et donc, à ne pas me substituer au médecin ou à tout autre professionnel compétent. Au moindre doute, je suggère à la personne de consulter d’autres compétences;
  • me considérer comme un accompagnateur qui soutient la personne sur son chemin;
  • respecter la confidentialité et le secret professionnel pour tout ce qui se dit, se vit ou se partage; ceci s’étend aux listes d’adresses et de noms qui me sont communiquées;
  • appeler un instructeur si des réactions émotionnelles trop fortes dépassant mes limites surviennent lors d’un exercice pratique;
  • indiquer clairement, lors de toute pratique en-dehors de l’institut, que je le fais en qualité d’étudiant tant que je n’ai pas atteint le niveau de compétence requis;
  • agir en conformité avec la législation du pays où je travaille et respecter les droits humains;
  • respecter les croyances politiques, spirituelles et personnelles des personnes avec qui je travaille et à ne leur imposer ni mes intentions ni mes croyances; à garantir à tous la libre pensée, le libre arbitre et à refuser toute forme de dogmatisme ou de sectarisme;
  • favoriser l’autonomie, à m’opposer à toute forme de dépendance et à n’exploiter d’aucune façon qui que ce soit;
  • ne pas juger, ni culpabiliser, ni blâmer la personne avec qui je travaille;
  • me comporter avec honnêteté, intégrité, respect et courtoisie;
  • ne me servir en aucun cas de la dénomination « Institut Belge de Kinésiologie » ou « IBK » à des fins personnelles ou professionnelles, sauf autorisation écrite de l’IBK.

Je sais que l’IBK se réserve le droit de suspendre un étudiant jusqu’à nouvel ordre en cas de violation du présent code éthique.

Il est indispensable que la kinésiologie jouisse d’une promotion sans ambiguïté ni erreur et, dans ce sens, je m’engage à ne pas donner de conférence ni accorder d’interview sur la kinésiologie, ni à pratiquer la profession de kinésiologue tant que je n’aurai pas atteint un minimum de 500 heures de formation en kinésiologie. Je m’engage également à ne pas donner de cours de kinésiologie tant que je n’aurai pas acquis le titre d’instructeur dans la branche de kinésiologie concernée pour le(s) cours concerné(s).

J’adhère au présent code éthique que j’ai lu et compris dans son entièreté.

(Nom et prénom, Adresse, Signature, Date)

 

 

La vigilance à l’égard des « dérives thérapeutiques », c’est notre affaire.

 

Texte écrit par Myriam van der Brempt, Kinésiologue et docteur en philosophie pour le Congrès des 25 ans de l’IBK – 10 et 11 septembre 2011;

Mon propos concerne la dimension éthique de la pratique du kinésiologue. Très vaste question que celle de l’éthique, à vrai dire, même si on la restreint au domaine thérapeutique…

Peut-être faut-il commencer par définir ce qu’on entend par « éthique ». Classiquement, ce mot se définit par rapport à « morale » et à « déontologie ». D’ailleurs, dans le Petit Robert (2007), aux entrées « déontologie », « éthique » et « morale », on peut lire toutes sortes de choses sur les valeurs, les règles, les devoirs, le bien et le mal, ce qui n’est pas étonnant, mais on observe aussi que la rubrique « déontologie » se termine par « Voir aussi éthique », que l’entrée « morale » est émaillée en plusieurs endroits de « Voir éthique » ou « Voir déontologie » et que sous « éthique », on lit « Voir morale » et on cite en exemple la formule « éthique et déontologie ». Le fait est qu’une certaine confusion flotte autour de ces trois termes et si elle est entretenue par le dictionnaire lui-même, il est sans doute assez naturel qu’elle s’insinue aussi dans nos esprits.

Pour tenter quand même de les distinguer, retenons que la déontologie, selon le Petit Robert toujours, est l’« ensemble des devoirs qu’impose à des professionnels l’exercice de leur métier ». La déontologie d’une profession limite donc bien son champ d’application à l’exercice de cette profession elle-même et elle est définie par cette profession, et non par une autorité extérieure. La déontologie serait donc la morale spécifique d’une profession. En effet, la morale tout court, c’est plutôt l’ensemble des devoirs, des obligations et des interdits que la société impose, pour la vie sociale en général.

Mais il y a des connotations négatives liées au terme « morale ». Dans notre société contemporaine pluraliste, les discours moraux sont très mal reçus. Comme disait Léo Ferré, « ce qu’il y a d’encombrant dans la Morale, c’est que c’est toujours la Morale des Autres . » Et effectivement, nous n’admettons plus du tout que qui que ce soit prétende pouvoir dire ce qui est bien et ce qui est mal au nom de tous.

Notre époque a plutôt adopté dès lors la notion d’« éthique ». Certes, il y a peut-être une tendance à mettre l’éthique à toutes les sauces, mais quand on parle de réflexion ou de débat éthique, on vise une délibération dans laquelle les personnes directement concernées sont parties prenantes et dans laquelle on cherche à éviter d’énoncer une obligation ou un interdit arbitraire, parce qu’on veut que la décision soit justifiée par des éléments rationnels. Or, pour que notre sensibilité contemporaine se sente respectée, il faut que la réflexion sur le bien et le mal s’engage sur cette double base. Voilà donc dans quel sens j’emploie ici le mot « éthique ».

Mon point de vue sur l’éthique en kinésiologie

Le champ de l’éthique est néanmoins très vaste et j’ai envie de vous dire tout de suite, en commençant, ce qui m’intéresse, moi, là-dedans. Car c’est cela qui va constituer le fil rouge de mon exposé : ce qui m’intéresse, c’est d’augmenter, de faire progresser, de faire évoluer la qualité de mon travail de kinésiologue. Et en fait, comme dans tous les domaines qui touchent à l’humain, de près ou de loin, la dimension éthique affecte radicalement (même si pas uniquement) cette qualité.

Dans le métier du kinésiologue, l’éthique est déterminante pour assurer tant le respect du client que le respect de soi-même, et pour délimiter le domaine d’intervention légitime du kinésiologue ; c’est l’éthique aussi qui colore l’attitude du praticien en kinésiologie, de la qualité de sa présence à son rapport à l’argent, en passant par son écoute, sa façon d’accueillir et de parler, son rapport au corps et au toucher, et j’en passe. Mais il ne suffit pas de dire « l’éthique, c’est très important », pour que la pratique du kinésiologue soit éthiquement valable – il ne suffit pas que j’affirme que c’est très important pour moi pour que ma pratique soit, du coup, éthiquement bonne. Et c’est ici que cela se complique : comment faire, en matière d’éthique, pour aller au-delà des bonnes intentions (ou des intentions bonnes) ? « Oh ! Moi, je veille particulièrement à respecter le client. » Oui, mais comment fais-je ? Comment puis-je m’assurer que ce que je fais produit bien, pour le client, du respect ? Et comment fais-je pour me remettre en question ? Comment, dans ma propre pratique, puis-je arriver à faire des choix éthiquement fondés ?

Il y a des difficultés supplémentaires. La première, c’est que la kinésiologie n’est pas, à ce jour, une profession reconnue, c’est-à-dire qu’elle n’est pas une profession définie par la loi ; ou encore, elle n’est pas une profession protégée, comme on dit, c’est-à-dire protégée contre les abus, contre les impostures, contre les dérives possibles. Il n’y a pas de code déontologique officiel de la kinésiologie, qui décrirait la bonne conduite à tenir, du point de vue éthique, en tant que kinésiologue professionnel. Il n’existe donc pas, à ce jour, de balises éthiques officielles pour ce métier.

La seconde difficulté supplémentaire, c’est que la kinésiologie fait partie de ces nombreuses formes thérapeutiques récentes et non conventionnelles , qu’il est si facile de disqualifier en soulignant qu’elles ne sont « pas scientifiques ». En d’autres mots, la seconde difficulté, c’est qu’il y a dans notre culture aujourd’hui une voie qui est perçue comme menant assurément à la vérité : la voie de la science. Hors de la science, pas de vérité. Cela ne veut pas toujours dire qu’en dehors de la science, les choses soient sans valeur, mais cela signifie en tout cas que ce qui n’est pas scientifique, on ne sait pas si c’est vrai. Or, cela a des conséquences pour notre réflexion sur l’éthique. Le kinésiologue travaille sur la base d’une discipline qui n’est pas démontrée scientifiquement. Il ne peut donc pas prétendre que ce qu’affirme la kinésiologie est vrai. Mais alors, si le discours de la kinésiologie était faux ou partiellement faux ? Comment le kinésiologue peut-il justifier éthiquement de prendre de tels risques, alors qu’il entraîne avec lui ses clients, c’est-à-dire souvent des personnes déjà fragilisées ?

Ce contexte expose le kinésiologue à toutes sortes de critiques théoriques et de soupçons sur la validité de sa pratique. Il y aurait beaucoup à dire sur la mauvaise qualité, en général, de ces critiques et de ces soupçons. Leurs auteurs amalgament tout, confondent les fondements théoriques de la kinésiologie et les choix subjectifs d’un praticien, généralisent les propos d’un client malmené par un kinésiologue et l’étendent à toute la discipline, et manifestent à tout moment que leur connaissance des branches de kinésiologie est extraordinairement sommaire, et approximative jusqu’à la fausseté. Bref, leurs arguments sont la plupart du temps très faciles à contester. Je le regrette beaucoup, car je pense que le véritable esprit critique et la remise en question sont indispensables pour évoluer, alors que les critiques ridicules que l’on peut lire à l’égard de la kinésiologie ont peut-être pour effet de la déconsidérer aux yeux d’un certain « grand public », mais en tout cas elles ne permettent pas aux praticiens de la kinésiologie d’accroître la qualité de leur travail, car elles ne livrent pas de quoi les pousser à se mettre en question. Et ça, c’est vraiment dommage.

C’est pourquoi je ne passerai pas plus de temps ici à parler de ces critiques. Je vais plutôt développer un autre point de vue, qui s’annonce d’ailleurs dans le titre que j’ai donné à mon exposé : « La vigilance à l’égard des ‘dérives thérapeutiques’, c’est notre affaire ». N’attendons pas que d’autres nous critiquent pour nous mettre à réfléchir sur notre pratique et ne croyons pas que si aucune critique sérieuse ne nous parvient, c’est que nous sommes complètement « dans le bon » et que nous pouvons nous reposer sur nos lauriers.

L’idée que je voudrais développer aujourd’hui avec vous est celle-ci : je pense que quelque bonne (vraie, juste) que puisse être la discipline dont un thérapeute se réclame, la qualité (notamment éthique) de son travail dépend de la manière dont il la pratique. Dans les termes de notre sujet précis d’aujourd’hui : si bonne (vraie, juste) que soit la kinésiologie, la qualité éthique du travail d’un kinésiologue dépend radicalement de la manière dont il la pratique.

Il y a dès lors d’emblée deux aspects à traiter, et il ne faut pas les mélanger, sous peine de produire à notre tour des amalgames contestables. Le premier concerne la qualité de la discipline thérapeutique elle-même, la qualité de la kinésiologie et cela nous entraîne à examiner si ce que la kinésiologie dit peut être considéré comme bon, vrai, juste. Le second concerne la manière dont le praticien travaille avec cette discipline. C’est ce second aspect qui nous intéresse surtout, mais comme les deux sont liés, je vous propose de réfléchir d’abord au rapport de la kinésiologie à la vérité.

La kinésiologie est-elle bonne, vraie, juste ?

Je m’empresse d’ajouter qu’en sortant d’ici, vous n’aurez pas la réponse oui/non à cette question… C’est une manière d’y réfléchir que je vous propose ; à vous ensuite, et à moi bien sûr, de poursuivre cette réflexion et de développer une vigilance.

On peut tout de suite éliminer deux choses du débat sur la vérité. D’une part, comme toutes les disciplines vivantes, la kinésiologie comprend différents domaines, différentes branches, comme on dit, à l’intérieur desquelles il y a du plus et du moins développé, du plus et du moins démontré, du plus et du moins évident, du plus et du moins convaincant, du plus et du moins documenté, argumenté, raisonné, etc. La vérité du discours de la kinésiologie ne tient pas à cela. On est aujourd’hui en un point d’un parcours qui évolue. Ce qui est confus actuellement peut être clarifié demain ou plus tard. On ne condamnera pas la kinésiologie, comme aucune autre discipline, parce qu’elle ne serait pas « complète ». Que serait-ce, d’ailleurs, qu’être « complet », dans ce sens-là ? Et qui pourrait en juger ?

Dans le même ordre d’idées, il y a la question des erreurs qui sont sans doute présentes ici et là dans les théories kinésiologiques. Je dis « sans doute présentes », car qui n’en commet pas ? La médecine conventionnelle, qui recommandait de coucher les bébés sur le ventre, il n’y a pas si longtemps, ne commettait-elle pas une erreur, fatale à un certain nombre d’enfants, dans le domaine de la prévention de la mort subite du nourrisson ? On ne condamnera pas la médecine toute entière sur la base de cette erreur, ni de toutes les autres qu’elle a commises et commettra encore. La seule obligation morale, à cet égard, est de corriger radicalement l’erreur dès qu’on en a pris conscience (et donc d’être ouvert à cette prise de conscience, prêt à se mettre en question). Les enjeux éthiques liés au statut de vérité de la kinésiologie ne sont donc pas là non plus.

Il nous faut aborder autrement la question de la vérité. Pour estimer qu’une chose est vraie, comment faire ? À quoi reconnaît-on que quelque chose est vrai ?

Les philosophes de la tradition occidentale y ont beaucoup réfléchi, eux dont le but est de dire ce qui est vrai : non pas quant au comment ça marche, comme la science, mais plus radicalement quant au pourquoi ça marche comme ça marche, c’est-à-dire quant à la raison qui fait que ça doit être comme c’est, donc que c’est comme ça, c’est-à-dire que… c’est vrai.

Dans la tradition philosophique occidentale, il y a deux conceptions de la vérité :

  • La vérité comme adaequatio rei et intellectus, selon la formule latine consacrée, c’est-à-dire la vérité comme « adéquation entre la chose (rei), la réalité et l’intelligence (intellectus), la pensée ». C’est ce qu’on appelle la conception objective de la vérité : elle repose sur une confrontation entre la réalité et ce que l’intelligence humaine peut en penser ou en dire. Quand cette confrontation fait voir une adéquation entre les deux, la vérité est atteinte. Elle est donc en principe observable, démontrable et partageable.
  • La vérité comme intuitio, c’est-à-dire bien sûr comme « intuition », au sens d’une connaissance directe et immédiate, qui ne nécessite pas le recours au raisonnement. On parle ici de pensée intuitive et non de cet autre sens du mot intuition, qui renvoie à la perception extra sensorielle. Il s’agit de la conception subjective de la vérité : elle se présente avec l’évidence d’un flash, et comme une certitude intérieure, subjective, non partageable.

 

La science, pour déployer son discours largement considéré comme vrai sur la réalité, s’appuie sur la conception objective de la vérité. À l’origine, la question de la science était : que peut-on affirmer de vrai sur comment est la réalité ? Répondre à cette question revient en effet à tenir un discours scientifique fiable. Pour y parvenir, les chercheurs ont élaboré toute une méthodologie permettant de confronter « rei » et « intellectus » et d’en vérifier de façon sûre l’« adaequatio ».

Aujourd’hui, on ne pose plus la question, on y répond : est vrai ce qui réussit l’épreuve de la méthodologie mise au point par la science pour vérifier l’adéquation entre la chose et l’idée qu’on en a. Les succès extraordinaires remportés par la démarche scientifique depuis quelques siècles et le pouvoir (le crédit, la crédibilité) que cela a donné à la science dans l’opinion publique ont peu à peu eu pour conséquence de faire considérer que n’est vrai que ce qui réussit l’épreuve de la méthodologie scientifique. Tout est non vrai (donc non fiable, douteux, à rejeter, car risqué, peut-être dangereux, etc.) jusqu’à preuve (scientifique) du contraire. Tout ce qui n’est pas passé au tamis de la méthodologie scientifique consacrée est a priori critiquable, contestable, voire condamnable.

Et c’est bien sur ce genre de généralisation abusive que s’appuient les scientifiques qui discréditent des disciplines comme la kinésiologie en déclarant tout simplement qu’elles ne sont pas scientifiques : « pas scientifique » ne signifie plus seulement « pas scientifiquement prouvé », mais signifie « pas sérieux », « pas digne de foi », « pas vrai ».

Or, ce rapport de la science à la vérité perd de vue divers éléments, et dès lors cette conception, à mes yeux, manque de rigueur pour plusieurs raisons :

  • Tout d’abord, elle disqualifie l’intuition comme source possible de vérité. On comprend bien pourquoi la science en est arrivée là : l’intuition est beaucoup plus difficile à cerner, elle est fugace, donc ses mécanismes sont plus difficiles à percevoir, à modéliser ; son caractère subjectif la rend beaucoup plus difficile à partager, donc elle ne permet pas nécessairement de se mettre d’accord à plusieurs, etc. La vérité comme adéquation entre la chose et l’intelligence est effectivement beaucoup plus facile à manier, mais ce n’est pas une raison suffisante pour éliminer la vérité comme intuition. Beaucoup de découvertes et d’inventions, d’ailleurs, y compris scientifiques, s’amorcent dans une intuition. Un chercheur se dit : « Oui, mais, alors… » et tout à coup germe l’idée ! Le processus de découverte s’ébauche intuitivement et cette première connaissance aboutira, après un processus de validation, à une connaissance scientifique.
  • Ensuite, la science ignore ou dénie tout ce qui fait le réel et l’expérience humaine et qui n’entre pas dans les conditions pour être démontré scientifiquement : tout ce qui est trop subjectif, ou non mesurable, ou rare, ou non reproductible à l’identique… Cela fait vraiment beaucoup d’aspects du réel qu’en fait, la science ne maîtrise pas par sa méthodologie. Les balayer d’un revers de main comme non fiables, sans interroger les limites de portée et de pertinence de la méthodologie scientifique elle-même, n’est-ce pas un peu léger ?
  • En outre, il arrive que la science ne prenne pas en compte les cas particuliers, les exceptions, les phénomènes marginaux, parce qu’ils font partie de ce qu’elle a estimé être la marge d’erreur tolérable qui ne met pas la règle générale en péril…
  • Enfin, la science ne prend généralement pas en compte non plus le fait que l’évolution scientifique est une histoire d’êtres humains, et que cela ouvre une brèche dans l’objectivité qu’elle prétend garantir. Ce que, à vrai dire, la science quantique reconnaît et démontre, mais qui ne semble guère ébranler l’assurance de ceux qui attaquent les disciplines non conventionnelles pour raison de subjectivité.

Bref, l’hégémonie de ce rapport de la science à la vérité est réductrice, puisqu’elle tend à ramener le vrai, c’est-à-dire le réel dont il faut tenir compte, à la seule portion de la réalité qui est démontrée scientifiquement.

Cette attitude réductrice, mais souvent impérialiste, il faut bien le dire, des scientifiques à l’égard des disciplines non conventionnelles comme la kinésiologie, a tendance à susciter en réaction, dans ces disciplines non conventionnelles, deux types de comportement assez problématiques aussi.

Le premier consiste en tentatives (… parfois un peu désespérées) de se faire admettre parmi les scientifiques quand même et de faire passer ce que l’on fait et théorise pour scientifique. C’est abusif, et ce n’est pas étonnant d’être alors discrédité et considéré comme un imposteur, que l’on soit de bonne foi ou non .

Le second comportement que l’on rencontre en réaction au parti-pris scientifique provient de l’impression que, puisqu’on est de toute façon hors des conditions pour prouver scientifiquement qu’on est dans le vrai, on peut, ou même on ne saurait faire autrement que de ne se fier qu’à soi-même et à sa propre conviction intérieure, en se contentant, pour tout garde-fou, de se sentir bien intentionné et de bonne foi. Et de considérer que l’on peut donc se fier d’office à ses intuitions – parce que « nous », on croit à l’intuition comme source de vérité – et que les intuitions seraient donc toutes, d’office, justes et vraies… Il me semble que là, il y a un risque. On ne peut pas penser qu’il est possible de juger soi-même, seul, de la justesse de ses propres intuitions et que cela suffit à cerner ce qui est vrai. On risque alors de glisser, même sans s’en rendre compte, vers des théories ou des pratiques fumeuses ou illuminées, comme on dit, ou plus gravement vers des abus de pouvoir, des attitudes de gourous et des fonctionnements sectaires, en tout cas vers des postures éthiquement inacceptables. Voilà donc où nous conduit la réflexion sur le rapport à la vérité. J’ai annoncé que je ne pourrais pas vous dire si le discours de la kinésiologie est dans la vérité ou non, et en effet. Tout ce que je me risquerais à dire à présent, c’est que, dans l’état actuel de notre culture, une discipline non conventionnelle comme la kinésiologie doit tenir compte de la crédibilité acquise par la science dans la recherche de la vérité, en cherchant à s’appuyer chaque fois que c’est possible sur des données prouvées scientifiquement, en évitant de faire passer pour scientifiques des propos qui ne le sont pas strictement et en déployant une vigilance extrême à l’égard de ses intuitions. En effet, si la vérité scientifique s’expérimente et se démontre, la vérité comme intuition, cela se travaille aussi. C’est de ce travail-là que je voudrais vous parler maintenant. Et mes intuitions, sont-elles bonnes, vraies, justes ? En faisant cela, je vais aborder la seconde partie de ma thèse initiale : « la qualité éthique du travail d’un kinésiologue dépend radicalement de la manière dont il le pratique ». Pour décrire une manière éthique de pratiquer la kinésiologie, on pourrait énumérer toute une série de qualités éthiques du « bon » thérapeute, et spécifiquement du « bon » kinésiologue. Il faut être présent, à l’écoute et plutôt dans une écoute active, il faut être ouvert, tolérant, ne pas faire intervenir ses propres croyances, éviter de rendre le client dépendant, etc. Mais c’est encore théorique. Il ne suffit pas de le savoir pour le faire et pour le faire bien. Il faut aussi l’apprendre concrètement, être formé pour mettre tout cela en pratique dans le cadre d’une séance de kinésiologie, dans la communication avec le client, dans la relation d’aide. Mais cela ne suffit pas encore non plus. J’ai, pour ma part, appris tout cela, j’ai reçu la formation et j’essaie de l’appliquer, mais ce dont j’ai besoin en plus, du point de vue de l’éthique de mon travail en kinésiologie, c’est une méthode, des moyens pour savoir si mes initiatives, mes choix, petits ou grands, si toute ma manière de faire, à chaque moment, est bonne, juste, vraie ou non. Sinon, je suis livrée à mes intuitions, et ce n’est pas suffisant, surtout quand on prétend donner un bout d’accompagnement à d’autres personnes sur cette base.

Vous avez peut-être déjà envie de me répondre : pourtant, quand c’est juste, on le sent, on le sait. Je suis d’accord avec cela – et c’est justement cela, l’intuition vraie ; on va en parler. Mais toutes les fois où je sens que ce n’est pas juste, sans savoir pour autant pourquoi et ce qu’il faudrait changer, et toutes les fois où je ne sens pas vraiment si c’est juste ou non, qu’est-ce que je fais ? Et toutes les fois où je voudrais quand même pouvoir suivre mon « intuition », parce qu’elle m’ouvre une piste qui m’intéresse, moi, ou que je ne vois pas quelle autre piste suivre à ce moment-là ? Et toutes les fois où je me dis, après coup, que je ne suis pas tout à fait sûre de ne pas avoir un peu forcé les choses, pour les faire coller avec mon intuition ? C’est dans ces cas-là, justement, que je voudrais pouvoir améliorer la qualité de mon travail.

Je vous propose donc ma petite réflexion sur la vérité comme intuition, autrement dit l’intuition vraie. Et vous me direz, j’espère, ce que vous en pensez.

D’abord, ce que l’intuition n’est pas :

Elle n’est pas tout ce qui me passe sans crier gare par la tête.

Et être intuitif(ve), ce n’est pas n’être pas fort en raisonnement. Ou plutôt : il ne suffit pas de ne pas être fort en raisonnement pour être bon en intuition.

N’est pas intuition vraie non plus tout ce qui n’est pas scientifique ou pas scientifiquement prouvé.

L’intuition, enfin, ce n’est pas le ressenti ni l’émotionnel.

Maintenant, ce qu’est l’intuition. La définition classique dit que l’intuition est une connaissance directe et immédiate, qui ne nécessite pas le recours au raisonnement. Cela se passe dans l’instant, et ce n’est pas le résultat d’un enchaînement d’idées. Le Littré dit que l’intuition est une « connaissance soudaine, spontanée, indubitable, comme celle que la vue nous donne de la lumière (…) ». On prend souvent, pour en parler, la métaphore de l’illumination . L’intuition est une pensée qui s’accompagne d’une certitude intérieure : « C’est juste, c’est vrai, et je le sais. »

Nos pensées se présentent toujours en mots . Donc, l’intuition, comme pensée, se formule en mots aussi. Pourtant, la forme que l’intuition prend à sa naissance ne lui est pas nécessairement essentielle. C’est un peu comme dans les rêves, où mon inconscient va puiser dans mon album intérieur de quoi mettre en images et en langage les informations qu’il a à me donner. Parfois, dès lors, mon intuition, survenue brusquement, s’affine et se précise avec le temps, en changeant quelque peu de formulation. Il faut d’ailleurs souligner que l’intuition vraie est bien une pensée instantanée, mais qui dure, qui persiste dans le temps.

Au moment où elle survient, elle me frappe, me touche, me fait un choc. Cette émotion s’accompagne d’un sentiment d’évidence – « c’est indubitable » – et les deux, ensemble, produisent ma certitude intérieure. Voilà ce qui se passe au moment où naît en moi une intuition juste.

Cela prend toute mon attention, je ne peux pas penser à autre chose en même temps. Et puisque j’affirme que l’intuition, cela se travaille, il faut bien que ce travail ait lieu avant et après, en amont et en aval de l’intuition instantanée elle-même.

Avant, je peux chercher à améliorer ma capacité de compréhension intuitive, chercher comment je dois faire pour être à l’écoute de mes intuitions ; il existe beaucoup de moyens pour travailler cela. Je peux aussi, bien sûr, ce serait même mieux de dire que je dois aussi travailler sur moi-même, pour que mes intuitions pendant mon travail soient le moins possible parasitées par mes problématiques personnelles. C’est une tâche de fond, de longue haleine. Après, je peux chercher à traiter mes intuitions : qu’est-ce à dire ? Comment vais-je les confronter au réel, les situer par rapport à moi, par rapport au client, ou aux autres en général ? « Après », c’est donc la question de ce que j’en fais, de mes intuitions, accompagnée de la nécessaire prudence quand il s’agit d’une autre personne surtout, mais aussi bien sûr quand il s’agit de moi-même.

Voici, à cet égard, mon hypothèse de travail. Je propose d’entrer dans une démarche de « gestion des intuitions », comme on parle de « gérer ses émotions ». Comme pour les émotions, en effet, gérer ses intuitions, ce n’est pas les faire taire ni les ignorer, mais ce n’est pas non plus s’y laisser noyer ni leur donner tous les droits. Mes émotions me traversent et elles sont à mon service : leur passage physiologique en moi est porteur d’information pour ma survie. Les maîtriser, c’est gérer consciemment l’information qu’elles me fournissent et l’action qui s’ensuit, tout en les laissant passer et me quitter .

Quant aux intuitions, elles me parviennent et donnent du sens, éclairent pour moi un pan de la réalité. Elles pénètrent ma conscience en court-circuitant la construction mentale. Maîtriser mes intuitions, cependant, ce serait gérer consciemment la place à leur donner et l’action à initier à leur suite, notamment pour les valider, tout en laissant passer et me quitter l’émotion qui les a accompagnées physiologiquement en moi et m’a aidée à les reconnaître.

Pour amorcer cette gestion d’un accès à la vérité par l’intuition et vous donner à penser, je vous livre quelques pistes à explorer, et à connecter à des contextes professionnels concrets de la pratique kinésiologique :

• Formuler son intuition, en clarifier la formulation, sortir du flou initial pour pouvoir examiner aussi cette pensée par la réflexion raisonnée. Pour que la réflexion consciente puisse prendre le relais du flash intuitif.

• Tester son intuition, mais en sécurité, c’est-à-dire en prenant en compte tous les autres points de cette liste.

• Être prêt(e) à remettre son intuition en question (en la modifiant, en y renonçant). Toutes mes intuitions ne sont pas des intuitions vraies.

• Être vigilant(e) quant aux effets d’une intuition que j’exprime : sur moi et, encore plus, sur l’autre. • Vérifier auprès de l’autre ce qu’il en est et s’imposer cette limite : si mon intuition concerne l’autre, elle n’a plus le droit de s’exprimer si l’autre ne l’accueille pas.

• Guetter les petits signes ou signaux qui me disent que c’est juste ou, au contraire, que quelque chose ne va pas.

• Me méfier (être vigilante encore) d’une intuition qui me fait abandonner une procédure en cours, ou toute procédure, et travailler « sans filet ».

• Vérifier que je reste dans mon domaine de compétences, même si je me mets à suivre telle intuition qui ne correspond pas à des protocoles classiques.

• Avoir à l’esprit que chaque chose que je dis, chaque détail de mon attitude (cf. l’importance du non-verbal) et de mes comportements professionnels peut avoir un impact sur le client. Je pense qu’une « dérive thérapeutique », cela ne vient pas d’un coup . Cela commence par de toutes petites choses, auxquelles je n’ai pas accordé d’importance ou dont je n’ai pas même nécessairement pris conscience.

• Donner toute leur importance aux détails, même infimes, qui disent que ça ne « colle » pas. Au cours d’une séance de kinésiologie, ces détails peuvent être, par exemple : la suite n’est pas congruente avec mon intuition, ou pas clairement ; de la confusion s’installe, chez le client ou chez moi (je perds mon fil, ou me sens « switchée »…) ; une autre intuition me vient à l’esprit ; je ne suis plus aussi sûre de croire à l’intuition que je viens d’avoir ; cette intuition sert peut-être le client, mais, à l’évidence, elle me sert moi, ou se rattache directement à quelque chose de précis qui me concerne ; …

• Principe de précaution : aucun des détails ci-dessus n’est suffisant, en soi, pour annuler la valeur de mon intuition, mais n’importe lequel de ces éléments (et d’autres encore) est suffisant pour appeler ma vigilance et exiger que j’aie une confirmation de mon intuition avant de pouvoir continuer à m’y fier.

• Éviter de m’installer une fois pour toutes, de façon figée, dans un système né d’intuitions que j’ai eues et que j’ai traduites dans mes attitudes et mes habitudes de praticien(ne) : habitudes de langage, façons de tester, interprétations, association de tels effets à telles causes, métaphores auxquelles je tiens…

Cette liste n’est évidemment pas complète, pas plus que la réflexion sur l’éthique qui y a mené. Elle a pour but d’indiquer au kinésiologue, pour qui l’intuition est un accès possible à la vérité et à la justesse, qu’il y a moyen de travailler ses intuitions pour apprendre à les gérer. Pour ma part, vous l’aurez compris, j’estime en outre que cette gestion consciente des intuitions est éthiquement indispensable dans une profession comme la nôtre. Elle nous invite à une attitude de vigilance active, qui peut accroître notre compétence professionnelle.